Like to a Hermit Poor

Like to a hermit poor in place obscure,
       I mean to spend my days of endless doubt,
To wail such woes as time cannot recure,
       Where none but Love shall ever find me out.

My food shall be of care and sorrow made,
       My drink nought else but tears fall'n from mine eyes,
And for my light in such obscured shade
       The flame shall serve which from my heart arise.

A gown of gray my body shall attire,
       My staff of broken hope whereon I'll stay;
Of late repentance linked with long desire
       The couch is framed whereon my limbs I'll lay.

              And at my gate despair shall linger still,
              To let in death when Love and Fortune will.

Comme un pauvre ermite

Comme un pauvre ermite reclus en lieu obscur,
       Je veux finir mes jours pleins de doute infini,
À pleurer ces peines que le temps ne peut guérir,
       Là où seul l'Amour saura retrouver ma trace.

Soucis, chagrins seront mon unique pitance,
       Je ne boirai que larmes qui coulent de mes yeux,
Et pour seule lumière dans une ombre aussi noire
       Il me suffit des flammes qui sourdent de mon coeur.

       Un habit de bure grise revêtira mon corps,
              Un bâton d'espoir brisé pour me soutenir;
       La repentance tardive, liée au long désir
              En guise de couche où étendre mes membres.

                     Et là toujours, le désespoir, pour faire entrer
                     La mort, quand Amour et Chance l'auront décidé.

 

The Nymph's Reply to the Shepherd

If all the world and love were young,
And truth in every shepherd's song,
These pretty pleasures might me move
To live with thee and be thy love.

Time drives the flocks from field to fold
When river rage and rocks grow cold,
And Philomel becometh dumb;
The rest complains of cares to come.

The flowers do fade, and wanton fields
To wayward winter reckoning yields;
A honey tongue, a heart of gall,
Is fancy's spring, but sorrow's fall.

 

The gowns, thy shoes, thy beds of roses,
Thy cap, thy kirtle, and thy posies
Soon break, soon wither, soon forgotten-
In folly ripe, in reason rotten.

Thy belt of straw and ivy buds,
Thy coral clasps and amber studs,
All these in me no means can move
To come to thee and be thy love.

But could youth last and love still breed,
Had joys no date nor age no need,
Then these delights my mind might move
To live with thee and be thy love.

Réponse de la nymphe au berger

Si tout le monde et l'amour étaient jeunes,
La vérité l'apanage des bergers,
Ces doux plaisirs pourraient bien m'inciter
À vivre avec toi, être ton amour.

Le temps ramène les bêtes à l'enclos,
Gonfle les torrents, refroidit la roche,
Le chant de Philomène ne s'entend plus;
D'autres s'inquiètent des soucis à venir.

Les fleurs se fanent, les riches prairies
Sont prises dans l'étau d'un rude hiver;
Une langue de miel, un coeur de fiel,
Printemps fantasque, mais automne chagrin.

Tes robes, tes chaussures, tes lits de roses,
Ton bonnet, ta tunique et ton bouquet
Sont vite usés, fanés, vite oubliés -
Folie pulpeuse, pourrie par la raison.

Ta ceinture de paille, de fleurs de lierre,
Agrafes de corail et boutons d'ambre,
Tout cela ne pourra pas m'inciter
À venir à toi, être ton amour.

Mais, que jeunesse dure, qu'amour ne meure,
Des joies sans terme, la vieillesse oubliée,
Alors ces délices pourraient m'inciter
À vivre avec toi, être ton amour.

 

The Lie

Go, soul, the body's guest,
Upon a thankless errand;
Fear not to touch the best;
The truth shall be thy warrant.
Go, since I needs must die,
And give the world the lie.

Say to the court, it glows
And shine like rotten wood;
Say to the church, it shows
What's good, and doth no good.
If church and court reply,
Then give them both the lie.

Tell potentates, they live
Acting by other's action;
Not loved unless they give,
Not strong but by a faction.
If potentates reply,
Give potentates the lie.

Tell men of high condition,
That manage the estate,
Their purpose is ambition,
Their practice only hate.
And if they once reply,
Then give them all the lie.

Tell that brave it most,
They beg for more by spending,
Who in their greatest cost,
Seek nothing but commending.
And if they make reply,
Then give them all the lie.

Tell zeal it wants devotion;
Tell love it is but lust;
Tell time it is but motion;
Tell flesh it is but dust.
And wish them not reply,
For thou must give the lie.

Tell age it daily wasteth;
Tell honor how it alters;
Tell beauty how she blasteth;
Tell favor how it falters.
And as they shall reply,
Give every one the lie.

Tell wit how much it wrangles
In tickle points of niceness;
Tell wisdom she entangles
Herself in otherwiseness.
And when they do reply,
Straight give them both the lie.

Tell physic of her boldness;
Tell skill it is pretension;
Tell charity of coldness;
Tell law it is contention.
And as they do reply,
So give them still the lie.

Tell fortune of her blindness;
Tell nature of decay;
Tell friendship of unkindness;
Tell justice of delay.
And if they will reply,
Then give them all the lie.

Tell arts they have no soundness,
But vary by esteeming;
Tell schools they want profoundness,
And stand too much on seeming.
If arts and schools reply,
Give arts and schools the lie.

Tell faith it fled the city;
Tell how the country erreth;
Tell manhood shakes off pity;
Tell virtue least preferreth.
And if they do reply,
Spare not to give the lie.

So when thou has, as I
Commanded thee, done blabbing-
Although to give the lie
Deserves no less than stabbing-
Stab at thee he that will,
No stab the soul can kill.

Le mensonge

Âme, hôte du corps, va,
Ta quête est sans espoir;
N'aie peur de frôler le meilleur;
La vérité est ta garantie.
Va, car je dois mourir,
Et donne au monde un démenti.

Dis à la cour qu'elle brille
Et luit comme la pourriture;
À l'église qu'elle enseigne
Le bien, sans faire le bien.
Si la cour et l'église objectent,
Oppose-leur un démenti.

Dis aux puissants qu'ils vivent,
Grâce aux actions des autres;
Ne sont aimés que s'ils donnent,
Forts que par les factions.
Si les puissants te répondent,
Aux puissants oppose un démenti.

Dis aux hommes de condition
Qui administrent nos biens,
Qu'ils sont poussés par l'ambition,
La haine est leur seule pratique.
Et s'ils veulent te répondre;
Alors, oppose-leur un démenti.

Dis aux plus braves des braves
Qu'ils ne cherchent que le gain,
Car, quelle que soit leur dépense,
Ils sont en quête de louanges.
Et s'ils te font réponse,
Alors, oppose-leur un démenti.

Dis à la ferveur qu'elle manque de piété;
Dis à l'amour qu'il n'est que désir;
Dis au temps qu'il n'est que mouvement;
Dis à la chair qu'elle n'est que poussière.
Sans en attendre de réponse,
Car tu leur donnes un démenti.

Dis à l'âge qu'il ne cesse de faner;
Dis à l'honneur qu'il s'altère;
Dis à la beauté qu'elle brouit;
Dis à la faveur qu'elle trébuche.
Et devant leur réponse,
Donne-leur à tous un démenti.

Dis à l'esprit qu'il se perd
Dans des détails sans importance;
Dis à la sagesse qu'elle s'emmêle
Dans les excès de controverse.
Et lorsqu'ils te feront réponse,
Donne-leur vite un démenti.

Dis à la médecine son dogmatisme;
Dis au talent sa prétention;
Dis à la charité sa froideur;
Dis à la loi ses contentieux.
Et quand ils te feront réponse,
Alors, donne-leur à tous un démenti.

Dis à la fortune sa cécité;
Dis à la nature sa pourriture;
Dis à l'amitié son inimitié;
Dis à la justice ses atermoiements.
Et si elles veulent te répondre,
Alors, oppose-leur un démenti.

Dis aux arts qu'ils ne reposent sur rien,
Mais varient selon les opinions;
Aux écoles qu'elles sont frivoles,
Qu'elles tiennent trop aux apparences.
Si les arts et les écoles te répondent,
Donne aux arts et aux écoles un démenti.

Dis à la foi qu'elle a fui la cité;
Dis au pays qu'il se trompe;
Aux hommes d'oublier la pitié;
Dis à la vertu que personne n'en veut.
Et s'ils décident de répondre,
Sans crainte, donne-leur un démenti.

Enfin, quand tu auras, comme je
Te l'ai ordonné, fini de babiller -
Bien qu'opposer un démenti
Ne mérite qu'un coup de poignard -
Te poignarde qui le veut,
Nul poignard ne peut tuer l'âme.

 

Nature, That Washed Her hands in Milk

Nature, that washed her hands in milk,
And had forgot to dry them,
Instead of earth took snow and silk,
At love's request to try them,
If she a mistress could compose
To please love's fancy out of those.

Her eyes he would should be of light,
A violet breath, and lips of jelly;
Her hair not black, nor overbright,
And of the softest down her belly;
As for her inside he'd have it
Only of wantonness and wit.

At love's entreaty such a one
Nature made, but with her beauty
She has framed a heart of stone;
So as love, by idle destiny,
Must die for her whom nature gave him,
Because her darling would not save him.

But time (which nature does despise,
And rudely gives her love the lie,
Makes hope a fool, and sorrow wise)
His hands do neither wash nor dry;
But being made of steel and rust,
Turns snow and silk and milk to dust.

The light, the belly, lips, and breath,
He dims, discolors and destroys;
With those he feeds but fills not death,
Which sometimes were the food of joys.
Yea, time doth dull each lively wit,
And dries all wantonness with it.

Oh, cruel time! which takes in trust
Our youth, our joys, and all we have,
And pays us but with age and dust;
Who in the dark and silent grave
When we have wandered our ways
Shuts up the story of our days.

La nature, ayant lavé ses mains dans le lait

La nature, ayant lavé ses mains dans le lait,
Avait ensuite oublié de les faire sécher,
Au lieu de terre, prit de la neige et de la soie
Lorsque l'amour lui eut demandé de tenter
De s'en servir pour créer une maîtresse
Et ainsi de céder au caprice de l'amour.

Les yeux, il les voulait composés de lumière,
Haleine de violettes et lèvres de gelée;
Sa chevelure, ni trop noire, ni trop brillante;
Au bas de son ventre le duvet le plus doux;
Quant à l'intérieur, il aimerait qu'il ne soit
Fait que de lubricité et du plus bel esprit.

À la requête de l'amour, c'est ce que fit
La nature, mais tout en lui donnant la beauté
Elle y enchâssa aussi un coeur de pierre;
De sorte que l'amour, par un destin funeste,
Doit mourir pour celle que nature lui donna,
Car son adorée refusait de le sauver.

Mais le temps (pour qui la nature n'a que mépris,
Car il démentit brutalement son amour,
Se moque de l'espoir, rend sage par le chagrin)
Ne veut ni se laver ni se sécher les mains;
Mais, étant d'acier et de rouille, il transforme
Et la neige, et la soie, et le lait en poussière.

Il obscurcit, décolore et annihile
La lumière, le ventre, les lèvres et l'haleine;
Il s'en nourrit mais sans satisfaire la mort
De ce qui jadis avait nourri les plaisirs.
Oui, le temps émousse les esprits acérés,
Desséchant aussitôt toute lubricité.

Oh, temps cruel! prenant notre jeunesse en charge,
Et nos plaisirs, et tout ce que nous possédons,
Il ne donne en retour que l'âge et la poussière;
Qui dans le silence et la nuit de la tombe,
Quand nous avons atteint le bout de nos chemins,
Enferme l'histoire des jours passés sur terre.

 

Three Things There Be

Three things there be that prosper up apace
And flourish, whilst they grow asunder far,
But on a day, they meet all in one place,
And when they meet, they one another mar;
And they be these: the wood, the weed, the wag.
The wood is that which makes the gallow tree,

The weed is that which strings the hangman's bag,
The wag, my pretty knave, betokeneth thee.
Mark well, dear boy, whilst these assemble not,
Green springs the tree, hemp grows, the wag is wild;
But when they meet, it makes the timber rot,
It frets the halter, and it chokes the child.
       The bless thee, and beware, and let us pray
       We part not with thee at this meeting day.

Trois choses existent

Trois choses existent qui prospèrent vivement
Et fleurissent, tandis qu'elles sont loin l'une de l'autre,
Mais un jour elles se rencontrent au même endroit,
Et cette rencontre est leur ruine mutuelle;
Ces trois choses sont: le bois, le chanvre et le drôle.
Avec le bois on construit la potence,
Avec le chanvre on tresse la corde du bourreau,
Le drôle, mon joli fripon, n'est autre que toi.
Prends garde, cher garçon, tant qu'ils sont séparés,
L'arbre est vert, le chanvre pousse, le drôle jette sa gourme;
Mais quand ils se retrouvent, le bois pourrit,
La corde s'effiloche en étranglant l'enfant.
       Que Dieu te sauve, prends garde et maintenant prions
       Pour ne pas être séparés le jour de cette rencontre.

 

Farewell, False Love

Farewell, false love, the oracle of lies,
A mortal foe and enemy to rest;
An envious boy, from whom all cares arise,
A bastard vile, a beast with rage possessed;
A way of error, a temple full of treason,
In all effect contrary unto reason.

A poisoned serpent covered all with flowers,
Mother of sighs and murtherer of repose,
A sea of sorrows from whence are drawn such showers
As moisture lends to every grief that grows;
A school of guile, a net of deep deceit,
A gilded hook that holds a poisoned bait.

A fortress foiled which reason did defend,
A siren song, a fever of the mind,
A maze wherein affection finds no end,
A raging cloud that runs before the wind,
A substance like the shadow of the sun,
A goal of grief for which the wisest run.

A quenchless fire, a nurse of trembling fear,
A path that leads to peril and mishap;
A true repair of sorrow and despair,
An idle boy that sleeps in pleasure's lap,
A deep distrust of that which certain seems,
A hope of that which reason doubtful deems.

Sith then thy trains my younger years betrayed,
And for my faith ingratitude I find,
And sith repentance hath my wrongs bewrayed
Whose course was ever contrary to kind-
False love, desire, and beauty frail, adieu!
Dead is the root whence all these fancies grew.

Adieu, amour perfide

Adieu, faux amour, oracle mensonger,
Mortel ennemi qui interdit la paix;
Garçon envieux, source de tous les soucis,
Vil bâtard, bête possédée par la rage;
Route de l'erreur, temple de trahison,
Dans tous ses effets, contraire à la raison.

Serpent venimeux que recouvrent les fleurs,
Mère des soupirs, meurtrier du repos;
Océan de tristesse dont surgit l'averse,
Qui baigne de son eau les chagrins naissant;
École de perfidie, filet d'imposture,
Hameçon d'or à l'appât empoisonné.

Forteresse vaincue, que défend la raison,
Chant de la sirène, fièvre de nos esprits,
Labyrinthe où se perdent nos affections,
Nuage agressif qui fuit devant le vent,
Substance semblable à l'ombre du soleil,
Cible du chagrin que cherchent les plus sages.

Feu inextinguible, nourrice de la peur,
Chemin qui mène aux périls et aux malheurs;
Antre de la tristesse et du désespoir,
Garçon oisif endormi par le plaisir,
Grande méfiance de ce qui paraît certain,
Espoir de tout ce dont doute la raison.

Depuis que tes ruses ont trompé ma jeunesse,
Que ma foi n'a rencontré qu'ingratitude,
Comme le repentir a racheté mes fautes,
Qui toujours étaient contraires à ma naissance -
Adieu, faux amour, frêle beauté, adieu!
Morte est la source d'où jaillissaient ces pensées.

 

What Is Our Life?

What is our life? A play of passion,
Our mirth the music of division.
Our mother's wombs the tiring-houses be,
Where we are dressed for this short comedy.
Heaven the judicious sharp spectator is,
That sits and marks still who doth act amiss.
Our graves that hide us from the searching sun
Are like drawn curtains when the play is done.
Thus march we, playing, to our latest rest,
Only we die in earnest, that's no jest.

Qu'est notre vie?

Qu'est notre vie? Un jeu de la passion,
La joie, une musique de variations.
Le sein d'une mère n'est que la loge,
Où l'on s'habille pour cette comédie.
Le ciel, un spectateur perfide, retors,
Juge tous nos faux pas sur cette scène.
Nos tombes, qui nous masquent du soleil, sont
Les rideaux tirés à la fin de la pièce.
Ainsi, jouant, nous allons au tombeau,
Mais la mort, elle, est vraie, n'est pas un jeu.

Traductions de l'anglais par B. Hoepffner